Note argumentaire sur le CNE et le CPE

Publié le par Raphaël Chambon

I/ Bilan du Contrat Nouvelle Embauche (CNE)

Le Contrat Nouvelle Embauche a été créé par les ordonnances Villepin du 2 août 2005.

Une précarité généralisée

Il s’agit d’un contrat à durée indéterminée réservé aux entreprises de moins de 20 salariés (cela représente tout de même 4,5 millions de salariés concernés) qui comporte une période d’essai de 2 ans pendant laquelle l’employeur peut licencier à tout moment le salarié, sans préavis, justification ni indemnité de licenciement (l’indemnité de précarité versée à l’issue d’un CDD n’est pas non plus versée). Contrairement à ce que semble indiquer son nom, il n’est pas réservé aux premières embauches. Il donc possible d’embaucher un salarié en CNE à l’issue d’un CDD. La précarité extrême de l’emploi (le salarié étant placé sur un siège éjectable) a des effets induits importants. On peut ainsi s’interroger sur l’accueil réservé à un salarié en CNE, susceptible d'être licencié durant une période de deux ans, par une banque s’il demande un crédit, ou par un propriétaire s’il recherche un logement. Cette possibilité de licencier sans aucun motif ne peut qu’entraver la capacité des salariés à se syndiquer et plus largement à défendre leurs droits. De même, les femmes n’ont pas intérêt à tomber enceintes si elles sont en CNE… Toutes les protections contre les licenciements abusifs cessent d’exister avec le CNE.

 

Une période d’essai de 2 ans totalement injustifiée

Cette période d’essai de 2 ans est totalement injustifiée : chacun sait que l’employeur n’a pas besoin de 2 ans pour savoir si le salarié est compétent pour son poste de travail. La notion même de période d’essai perd tout son sens avec une telle durée. La vraie justification pour la droite est traditionnelle : faciliter le licenciement pour faciliter l’embauche (les employeurs n’hésiteraient plus à embaucher si elles savent qu’elles peuvent licencier facilement).

 

Le CNE ne crée pas d’emplois

En réalité, même s’il est encore un peu tôt pour tirer un bilan, on peut d’ores et déjà affirmer que le CNE, comme beaucoup d’autres contrats précaires, n’a créé que très peu d’emplois du fait du nombre relativement faible de contrats signés et surtout des effets d’aubaine. Un résultat très faible au prix très élevé : celui d’une précarité qui risque de se généraliser. Aucun obstacle n’existe pour le CNE devienne le contrat « normal » dans les entreprises de moins de 20 salariés.

Polémique sur le nombre de CNE signés

Une polémique existe sur le nombre de CNE signés et le nombre d’emplois créés. En réalité, aucune une statistique précise n’existe, puisque les chiffres disponibles n’enregistrent que des intentions d’embauche et comportent de nombreux biais méthodologiques. Explication :

Le CNE n'est pas un contrat aidé et n'apparaît pas, en tant que tel, dans les statistiques du ministère de l'emploi. C'est donc via les formulaires de déclaration unique d'embauche (DUE) - que les employeurs adressent aux Urssaf, organismes collecteurs de cotisations sociales - que l'on recense les CNE, aux côtés des CDI ou CDD. Or, la DUE n'indique qu'une « intention d'embauche », précise l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) dont les chiffres ne sont que des « estimations provisoires ». L'organisme a modifié son site Internet et ses formulaires papier pour permettre la saisie du CNE mais les anciens formulaires, sans case « CNE », ont continué à être utilisés. Aussi, l'Acoss a-t-elle décidé que ses estimations sur les différents types de contrats « seront provisoirement fondées uniquement sur les déclarations Internet », un mode habituellement utilisé pour 45 % des DUE. Même le chiffre des DUE faites par internet et indiquant CNE comporte deux biais. En août, des Urssaf s'aperçoivent que des entreprises ont coché à tort la case CNE : certaines comptent plus de 20 salariés, tandis que d'autres ont cru que le CNE désignait simplement un « nouveau » recrutement ! Une autre péripétie aurait brouillé un peu plus les pistes. Traditionnellement, nombre d'employeurs n'indiquent pas la nature du contrat dans la DUE. L'Acoss a donc demandé à son service informatique d'invalider systématiquement les DUE dans lesquelles aucune des trois cases - CDD, CDI ou CNE - n'était cochée. Message mal compris : les informaticiens ont, au contraire, coché CNE par défaut, validant la DUE.

Selon un sondage présenté, mardi 10 janvier, par le cabinet Fiducial, et réalisé du 23 au 29 décembre 2005 par l'IFOP auprès de 300 dirigeants de petites entreprises ayant eu recours au CNE, seuls 29 % des entrepreneurs interrogés déclarent qu'ils n'auraient pas embauché sans l'existence du CNE, alors que 71 % auraient de toutes les façons recruté, dont 40 % en contrat à durée indéterminée (CDI) et 28 % en contrat à durée déterminée (CDD). On voit bien que selon les déclarations des chefs d’entreprise eux-memes (dont on peut penser qu’ils surévaluent le nombre d’emplois réellement créés), les entreprises ayant signé des CNE auraient majoritairement procédé à des embauches même sans le lancement de contrat. Le directeur de Fiducial estime « exagéré » le chiffre de plus de 220.000 CNE signés depuis août, annoncé par le gouvernement.

Les secteurs des services et du BTP sont ceux qui ont le plus eu recours au CNE, suivis du commerce. Le sondage montre que les personnes embauchées en CNE sont âgées de 28 ans en moyenne et qu'elles sont à 59 % des hommes. Plus des trois quarts ont un niveau « en deçà du bac » (29 % sans diplôme ou avec un BEPC, 39 % avec un CAP ou un BEP). Par ailleurs, 56 % des personnes embauchées se trouvaient préalablement au chômage ou au RMI, 23 % en CDD dans une autre entreprise et 17 % en stage.

 

II/ Le Contrat Première Embauche (CPE)

 

Le CPE annoncé lundi 16 janvier par Dominique de Villepin prétend s’attaquer au chômage des jeunes

 
A) Rappel sur le chômage des jeunes

 
22,8% des jeunes (18-25 ans) sont actuellement au chômage. Ce taux a grimpé de 3,8 points depuis 2002. Il a récemment légèrement baissé du fait de la baisse générale du nombre de chômeurs mais le motif de sortie de l’ANPE est pour près de 50% l’absence au contrôle ou une radiation administrative selon les chiffres de l’ANPE elle-même. Pour les jeunes sans qualification, le taux de chômage s’élève même à 40%. Au total, ce sont 618.000 jeunes qui sont aujourd’hui sans emploi.

Selon l’OCDE, en France un jeune met de 8 à 11 ans pour entrer durablement sur la marché de l’emploi, c’est-à-dire à décrocher un CDI, contre 3 à 5 ans dans les autres pays de l’OCDE.

Depuis 2002, le gouvernement a aggravé le chômage et la précarité des jeunes. Il a mis fin au dispositif des emplois-jeunes créé par le gouvernement Jospin. Il les a plus ou moins remplacés par le contrat-jeune en entreprise (CJE), un CDI destiné aux jeunes ayant un diplôme inférieur au bac et comprenant des aides financières pour les employeurs (240.000 bénéficiaires depuis 2002).

B) Le CPE, contrat précaire pour les jeunes

Un contrat première embauche (CPE) est institué pour les jeunes de moins de 26 ans. Il emprunte au contrat nouvelles embauches (CNE), une période d'essai de deux ans dérogatoire du droit commun (un à trois mois dans un CDI). L'employeur pourra, contre les conventions internationales de l'Oit, contre la déclaration européenne des droits de l'homme, contre le Code du travail, licencier tous les jeunes sans motif pendant les deux premières années. Il s’agit donc bien d’une extension du CNE à tous les jeunes de moins de 26 ans, puisque ce contrat ne sera pas limité aux entreprises de moins de 20 salariés, mais pourra être signé par toutes les entreprises. Autant dire que la période d’essai de 2 ans pourra aisément devenir la règle pour les jeunes, y compris dans les grandes entreprises.

Le CPE ouvrira droit à une indemnisation au chômage dès le quatrième mois de contrat (contre six mois au cours des 22 derniers mois dans le droit commun du chômage). L'indemnité sera alors de 460 euros par mois, pendant deux mois. Sous couvert d’une apparente générosité, cette mesure encourage les patrons à licencier rapidement (ils peuvent le faire sans motif) puisque les jeunes toucheront une indemnité pendant 2 mois, juste le temps de retrouver un autre CNE, qui pourra à son tour prendre fin à tout moment et sans raison.

Le Contrat Première Embauche porte bien mal son nom puisqu’il peut être signé après un CDD (comme le CNE). Les entreprises peuvent donc l’imposer à tous les jeunes, même s’il ne s’agit pas de leur premier emploi.

Mesure complémentaire : une exonération totale de charges patronales pendant trois ans est accordée à tous les contrats à durée indéterminée (CDI, CNE, CPE) signés au profit de jeunes de moins de 26 ans au chômage depuis plus de six mois. C’est une mesure inefficace et scandaleuse. Inefficace car toutes les études montrent que les exonérations de cotisations sociales suscitent des effets d’aubaine et ne créent pas d’emplois. Scandaleuse car c’est une nouvelle réduction des ressources de la Sécurité Sociale (on sait que les exonérations sont loin d’être toutes compensées par l’Etat comme c’est pourtant une obligation) et cela constitue un nouveau cadeau sans contrepartie aux entreprises.

Ces dispositifs constituent des mesures d’exception supplémentaires après la décision prise par le gouvernement à la rentrée de ne plus reconnaître les moins de 26 ans dans le calcul des seuils sociaux des entreprises (qui déterminent notamment la création des institutions représentatives du personnel).

Alors que la nature et le niveau du premier emploi conditionnent largement la suite de la carrière professionnelle, les perspectives d’avenir se résumeront donc à une précarisation tout au long de la vie.

Le CPE est par ailleurs une nouvelle illustration de la volonté du gouvernement d'opposer les générations (après la réforme des retraites et celle de l'assurance maladie) : avec ce nouveau CIP, les jeunes vont pouvoir remettre au goût du jour le slogan « Papa j'ai trouvé un travail : le tien ». On sait que la précarité imposée aux jeunes tire vers le bas les conditions de l’ensemble des salariés, les jeunes constituant une nouvelle « armée de réserve ».

 

La portée du CPE est très grande, car nul doute qu’après avoir imposé une telle précarité aux jeunes, quand ils seront tous domptés et dressés à la précarité, le gouvernement l’étendra à tous les salariés.

C) Des annonces plus larges dangereuses

Dominique de Villepin  a également annoncé la création d’un CDD sénior, qui pourra être conclu à partir de 57 ans, pour une durée de 18 mois renouvelable une fois. On assiste donc à une prise en tenaille du CDI, puisque celui-ci est remis en cause pour les jeunes (CPE), les seniors (CDD senior) et dans les petites entreprises (CNE). Cette généralisation progressive annonce le grand rêve des ultralibéraux et du MEDEF : la mise à mort du CDI.

Dominique de Villepin lui-même a promis de tirer, dans les prochains mois, "les conséquences du lancement réussi du contrat nouvelles embauches pour lancer une réflexion sur l'évolution générale des contrats de travail dans notre pays". Il ne cache pas que le CDI est désormais en ligne de mire : "Certains envisagent un contrat unique, d'autres souhaitent étendre le contrat nouvelles embauches, toutes ces options sont sur la table de la concertation."

Le Premier ministre envisage aussi la définition "d'un nouveau régime juridique des ruptures négociées", autrement dit du droit du licenciement, et des "allégements de charges sur les heures supplémentaires".

Dominique de Villepin ouvre donc la porte à un démantèlement de grande ampleur du droit du travail et plus largement de tout notre droit social.

Rappelons par ailleurs que le gouvernement fait procéder actuellement à une réécriture du droit du travail, théoriquement à droit constant et en vue d’une simplification, en réalité à droits dégradés et par ordonnances, en dehors de tout débat démocratique large.

D) Conclusion : une attaque sans précédent, qui appelle une réaction à la hauteur

12 ans après la mobilisation contre le CIP, SMIC Jeunes proposé par Balladur, la mobilisation générale est nécessaire contre ce nouveau contrat discriminatoire pour tous les moins de 26 ans.

Le MJS doit mettre en avant des revendications fortes pour donner un emploi de qualité à chaque jeune :

- Plan de programmation pluriannuel de l’emploi public

- Limitation stricte du nombre de contrats précaires dans les entreprises avec instauration de plafonds indépassables et augmentation forte de la pénalisation financière de ce type de contrats

- suppression de tous les contrats atypiques type CNE ou CPE

- Création d’une allocation de recherche du premier emploi pour les jeunes quittant le système éducatif

Publié dans asjeunes

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A
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L
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